Au Canada et à travers le monde, l’agroécologie émerge comme une réponse cruciale aux défis contemporains de l’agriculture et de l’alimentation.
Dans cet article, nous explorerons les principes fondamentaux de l’agroécologie, son état actuel au Canada, et ses liens avec les mouvements alimentaires durables.
Qu’est-ce que l’agroécologie?
« L’agroécologie, c’est d’abord et avant tout des relations profondes entre les personnes, les communautés, la nature et la terre [traduction libre] » écrit Faris Ahmed dans son rapport Cultiver un terrain d’entente: pour l’adoption de politiques agroécologiques au Canada (2022). Cette vision marque notre point de départ.
L’Union Nationale des Fermiers (UNF) la décrit « une approche holistique de la production alimentaire qui utilise et crée des connaissances sociales, culturelles, économiques et environnementales pour promouvoir la souveraineté alimentaire, la justice sociale, la durabilité économique et des écosystèmes agricoles sains.» En tant que discipline, elle combine les concepts de l’agricultureetl’écologie pour développer des systèmes alimentaires plus durables. Elle se base sur la compréhension des écosystèmes naturels pour concevoir des pratiques agricoles qui maximisent les rendements tout en préservant la biodiversité et en minimisant l’impact environnemental. Pour Via Campesina, elle est un mode de vie à part entière qui vise notamment «la transformation des structures de pouvoir au sein des sociétés[traduction libre].»
Les dix éléments de l’agroécologieproposés par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et les huit piliers communs définis par l’Union Nationale des Fermiers (UNF), ont largement inspiré cet article. Ces deux cadres de l’agroécologie mettent en avant l’union entre la durabilité de l’environnement et la justice sociale et économique.
L’état actuel au Canada
Quoique l’agroécologie est loin d’être un concept nouveau, les multiples crises auxquelles l’humanité fait face re-confirment sa pertinence et, au Canada, elle gagne progressivement du terrain. Les agriculteurs, les chercheurs et les décideurs reconnaissent de plus en plus son potentiel pour créer des systèmes alimentaires plus durables et résilients. Des initiatives locales et nationales sont en place pour promouvoir notamment l’adoption de pratiques agroécologiques, encourageant la diversification des cultures et la réduction de l’utilisation de pesticides.
Selon Farm Folk City Folk, « l’adoption d’une approche agroécologique de l’agriculture est synonyme de sécurité économique et de durabilité pour les agriculteurs. L’agroécologie ne met pas seulement l’accent sur le bien-être environnemental de la terre et de la nature, mais cette approche offre également une résilience économique accrue [traduction libre] »
Cependant, malgré les avancées prometteuses, les politiques gouvernementales agricoles semblent parfois en décalage avec l’urgence d’une transition durable. Sans engagement ferme en faveur de l’agroécologie, elles laissent de nombreux agriculteurs sans le soutien nécessaire pour adopter des pratiques plus durables. es incitations financières demeurent insuffisantes, et il existe un manque de politiques concrètes pour encourager pleinement le virage agroécologique. De plus, des enjeux tels que l’exploitation des terres et les pressions exercées par l’industrie agroalimentaire compromettent les progrès vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Pour assurer une agriculture durable, le gouvernement doit aligner ses politiques sur l’urgence écologique et renforcer son soutien à l’agroécologie.
L’agroécologie et les mouvements alimentaires
L’agroécologie est étroitement liée aux mouvements alimentaires durables, qui vise à transformer l’ensemble du système alimentaire pour le rendre plus équitable, éthique et écologique. Cette synergie reconnaît la nécessité d’établir un lien entre les agriculteurs, les consommateurs et les communautés locales.
Au sein de ces mouvements au Canada, l’ Union Nationale des Fermiers et le mouvement international Via Campesina se distinguent par leur engagement en faveur de l’agroécologie.
- L’UNF, qui représente les intérêts des agriculteurs canadiens, lutte pour la promotion de politiques agricoles durables. Elle organise des ateliers, des formations et des évènements pour sensibiliser les agriculteurs aux avantages de l’agroécologie, et plaide pour un soutien gouvernemental aux pratiques agroécologiques.
- Parallèlement, Via Campesina, avec ses millions de membres mondiaux, milite pour la justice sociale et la durabilité environnementale. En collaboration avec des organisations telles que l’UNF, le mouvement organise des manifestations et des initiatives éducatives pour renforcer le plaidoyer agricole et favoriser le partage des connaissances en agroécologie.
Il faut aussi ajouter que les processus internationaux comme Nyéléni et l’engagement de 49 pays via la Coalition pour l’agroécologie enrichissent également les mouvements alimentaires durables. Ces initiatives soulignent l’importance de l’agroécologie dans les politiques agricoles mondiales et encouragent une collaboration internationale pour une transformation écologique du système alimentaire.
Ces efforts combinés mettent en avant l’élan de l’agriculture écologique, et contribuent à accroître les connaissances des agriculteurs, des décideurs politiques et du grand public sur cette pratique. Cela renforce aussi la présence des agriculteurs canadiens dans les discussions relatives à l’agriculture durable, tant au niveau local qu’international. La collaboration entre l’UNF, Via Campesina, et d’autres acteurs des mouvements alimentaires met en avant le potentiel de l’agroécologie pour l’avenir de l’agriculture au Canada, et nous oriente ainsi vers des systèmes alimentaires plus équitables et écologiques.
Son ancrage dans les savoirs des Premiers Peuples
L’agroécologie au Canada s’inspire profondément des principes respectueux de la terre et de l’harmonie avec la nature qui sont ancrés dans les savoirs ancestraux des Premiers Peuples. Elle reconnaît l’interdépendance entre toutes formes de vie, un précieux héritage des cultures autochtones. Cela est visible, par exemple, dans la façon dont l’agroécologie valorise le le respect des cycles naturelset et le lien fort entre nos cultures et l’agriculture, entre autres.
En regardant vers le Nord du Canada, on voit d’ailleurs que l’agroécologie n’est pas une nouvelle tendance, mais plutôt la continuation des pratiques alimentaires autochtones telles que la chasse, la pêche et la cueillette. La recherche nous montre que le cadre de l’agroécologie adapté aux régions nordiques soutient des systèmes alimentaires plus durables dans l’ensemble de la région, en veillant à ce que la souveraineté foncière et alimentaire des premiers peuples soient priorisées.
La richesse de l’agroécologie réside dans sa capacité à promouvoir des approches contextualisées, ancrées dans les réalités écologiques et humaines locales, et reconnaissant ainsi que ce qui est efficace dans une partie du pays peut inspirer des solutions adaptées dans d’autres régions. Cette perspective nous oriente vers des pistes pour réfléchir à l’avenir de notre agriculture, en soulignant notamment la valeur des méthodes traditionnelles respectueuses de l’environnement. Elles remettent en question les approches de développement occidental basées sur la domination et la gestion humaine de la nature, et encouragent un dialogue ouvert pour mieux comprendre et répondre aux besoins variés et distincts des communautés à travers le Canada.
Cultiver un avenir alimentaire durable
L’agroécologie au Canada représente une stratégie essentielle pour l’établissement d’un système alimentaire plus durable. Les preuves scientifiques montrent que l’adoption de pratiques agroécologiques peut non seulement améliorer la santé des sols et réduire l’impact environnemental, mais aussi favoriser la résilience économique des agriculteurs.
Les liens étroits entre l’agroécologie et les mouvements alimentaires durables soulignent l’importance de repenser notre approche de la production alimentaire. La collaboration entre les agriculteurs, les chercheurs, les décideurs et les consommateurs est essentielle pour favoriser la transition vers des systèmes alimentaires plus équitables, éthiques et respectueux de l’environnement, qui favorisent la résilience écologique et économique.
En cultivant une révolution alimentaire durable, le Canada peut jouer un rôle de leader dans la création d’un avenir où la souveraineté alimentaire coexiste harmonieusement avec la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique, tout en appuyant les économies locales, renforçant la résilience de l’agriculture Canadienne et favorisant les gains de productivité. Pour y parvenir, il est impératif que le gouvernement canadien reconsidère sa position et intensifie ses efforts en faveur de politiques agricoles qui soutiennent véritablement l’agroécologie, garantissant ainsi la résilience et la durabilité à long terme du secteur agricole.